Le vieux sonneur monte au clocher,
Jusqu'aux meurtrières béantes
Où les corneilles vont nicher,
Et, chétif, il vient se percher
Au milieu des poutres géantes.
Joyeuses, avec un son clair,
Les voix des cloches, par le faîte
Des lucarnes, s'en vont dans l'air
Sur les ailes du vent d'hiver,
Comme des messages de fêtes.
Noël ! Noël ! ... Sur les hameaux
Où les gens rentrent à la brune ;
Sur les bois noirs et sur les eaux
Où tout un peuple de roseaux
Frissonne au lever de la lune ;
Noël ! ... Sur la ferme là-bas,
Dont la vitre rouge étincelle,
Sur la grand 'route où, seul et las,
Le voyageur double le pas,
Partout court la bonne nouvelle.
Oh ! ces carillons argentins
Dans les campagnes assombries,
Quels souvenirs doux et lointains,
Quels beaux soirs et quels doux matins
Ressuscitent leurs sonneries !
Et cette musique de l'air,
Cette gaieté sonore et pleine,
Ce chœur mélodieux et clair
Qui s'en va dans la nuit d'hiver
Ensoleiller toute la plaine,
C'est l'œuvre de ce vieux sonneur
Qui, dans son clocher solitaire,
Fait tomber, ainsi qu'un vanneur,
Cette semence de bonheur
Sur tous les enfants de la terre.
André Theuriet (1833-1907)
Poète, romancier et auteur dramatique français
Les sapins en bonnets pointus De longues robes revêtus Comme des astrologues Saluent leurs frères abattus Les bateaux qui sur le Rhin voguent
Dans les sept arts endoctrinés Par les vieux sapins leurs aînés Qui sont de grands poètes Ils se savent prédestinés A briller plus que des planètes
A briller doucement changés En étoiles et enneigés Aux Noëls bienheureuses Fêtes des sapins ensongés Aux longues branches langoureuses
Les sapins beaux musiciens Chantent des noëls anciens Au vent des soirs d'automne Ou bien graves magiciens Incantent le ciel quand il tonne
Des rangées de blancs chérubins Remplacent l'hiver les sapins Et balancent leurs ailes L'été ce sont de grands rabbins Ou bien de vieilles demoiselles
Sapins médecins divagants Ils vont offrant leurs bons onguents Quand la montagne accouche De temps en temps sous l'ouragan Un vieux sapin geint et se couche