Lundi 28 novembre 2022
C’était la fin d’un beau jour d’hiver, l’air était froid mais léger et un grand soleil nous avait attirés sur la terrasse pour réchauffer nos membres engourdis. Mais le soleil finit par nous éblouir et nous dûmes rentrer à tâtons . Jusqu’au soir nous restâmes éblouis. Un fou-rire nous prit : «c’est malin! Nous voyons encore 36 chandelles ! ».
Au milieu de toutes les auréoles qui marbraient notre environnement, nous perçûmes une présence : « Hé, hé, hé, mes bons amis ! 36 chandelles ! Vous me faites penser à une curieuse aventure ! »
C’était, vous l’avez deviné, la femme sans âge du pays de n’importe où, qui raconte des histoires de n’importe quoi et qui rend visite, les nuits sans lune, à n’importe qui pour raconter des histoires si étonnantes que l’on ne peut s’empêcher de les écouter et … d’y croire.
« Chère amie si étonnante ! Racontez-nous donc cette nouvelle aventure ! »
« Mais bien volontiers. Installez-vous confortablement. Voici les tribulations de Lucile qui, comme vous, vit 36 chandelles au pays de n’importe où ... »
Mardi 29 novembre 2022
Lucile vivait dans la contrée ensoleillée du pays de n’importe où . L’air y était léger et la lumière ne manquait jamais. Tous les habitants étaient radieux et portaient des noms de lumière : Luc, Lucas, Lucie, Claire, Soleil… Ils vivaient heureux et bienveillants. Ils savaient se réjouir à chaque instant de leur chance et, sans se lasser, se saluaient régulièrement par un « Il fait beau, il fait bon, voisin, quel bonheur! »
Lucile était la fille unique d’une famille très aimante qui la choyait peut-être un peu trop. Elle avait un caractère enjoué, insouciant et dynamique mais elle était aussi très impatiente et capricieuse. Lorsque une chose lui plaisait, elle la voulait aussitôt. Ses parents qui l’aimaient tant et ses proches qui l’admiraient beaucoup accédaient de bonne grâce à tous ses souhaits.
Lucile était très attentive à l’école et étudiait avec un réel plaisir. Mais elle aimait aussi beaucoup faire la fête et restait émerveillée devant toutes les lumières qui accompagnaient les festivités. Elle écarquillait ses grands yeux pour absorber tous ces bonheurs qu’elle revivait ensuite sans se lasser, encore et encore…
Mercredi 30 novembre 2022
Il faut dire que toutes les fêtes étaient ,dans la contrée ensoleillée du Pays de N’importe où , l’occasion d’utiliser une multitude de sources de lumière classiques ou particulières à la région : miroirs et lacs réfléchissant le soleil, envolées de ballons réflectorisants, colonies de lucioles et vers luisants nourries et entretenues par les familles, feux de camp, feux dans les cheminées, feux d’artifices et , bien sûr des chandelles de toutes formes, sur les tables, dans les lampadaires ou … sur les gâteaux !
Or arriva un beau jour l’anniversaire de Lucia, la tante de Lucile. Elle fêtait ses 36 ans et avait invité toute la famille et les amis comme à son habitude. La fête fut magnifique et touchait à sa fin lorsque la salle fut tout à coup illuminée et scintilla de mille feux ! Le gâteau d’anniversaire arrivait, immense, magnifiquement décoré et garni de … 36 bougies, longues et effilées, de toutes les couleurs, telles le bouquet final d’un feu d’artifice.
L’assemblée fut saisie d’admiration et l’on entendit fuser ici et là des « ohhhh ! » et des ahhhh ».
Lucile était au premier rang et écarquillait ses yeux immenses pour capter et conserver la mémoire de ce spectacle féerique.
Jeudi 1er décembre 2022
Chacune des 36 bougies avait un éclat différent et le regard de Lucile courrait de l’une à l’autre pour essayer d’en retenir chaque effet et chaque couleur. En haut, en bas, à droite, à gauche, devant , derrière et sa course reprenait . Lucile, hallucinée, se croyait directement entrée dans un rêve merveilleux, un conte de fée.
Elle se sentait transportée dans l’air tiède et parfumé des bougies et avait l’impression de quitter peu à peu le sol, flottant délicieusement au-dessus du gâteau géant.
Elle reprit avec tous le chant d’anniversaire sans même s’en rendre compte et chaque note lui semblait s’accrocher de flamme en flamme, telles de petites auréoles irisées.
Mais vint le moment de souffler les bougies. Toute l’assemblée, répartie autour du gâteau, accompagna tante Lucia qui n’aurait jamais pu à elle seule éteindre le bouquet lumineux.
Un léger nuage de fumée enveloppa Lucile, ramenée brusquement à la réalité. Elle aurait tant aimé que cet instant magique ne cesse jamais !
Elle voulut embrasser sa tante mais …
Vendredi 2 décembre 2022
Lucile trébucha et se retrouva le nez dans les restes du gâteau !
« Ma belle tu l’aimes tant ce gâteau que tu veux le finir seule ! » Et toute l’assemblée s’esclaffa.
Mais Lucile n’avait pas du tout envie de rire. Elle ne voyait plus rien ! Les petites auréoles s’étaient transformé en un brouillard de couleurs mêlées . A trop fixer les bougies elle était aveuglée …
Lucia la prit dans ses bras et la fit asseoir et lui posa des compresses sur les paupières:
- « Comment as-tu pu fixer autant les bougies ? »
- « C’est que je les trouvais si belles … J’aurais aimé que ce soient les miennes ! »
- « Veux-tu que je te les donne ? »
- « Non, non, non ! Je veux les mêmes pour moi toute seule ! Et puis, elles sont usées maintenant ! »
Lucia, qui connaissait le caractère capricieux de sa nièce, eut un petit sourire :
- « Eh bien, il ne tient qu’à toi d’en trouver de semblables ou même de plus belles qui ne seront qu’à toi ! »
- « Mais je ne sais pas où en trouver ! Et puis je n’y vois plus rien ! »
Lucia était un peu magicienne, elle sourit encore malicieusement et se pencha vers Lucile en passant tendrement la main sur ses paupières :
- « Là, là, tu vas retrouver la vue avec un peu de patience et je vais te donner le pouvoir de trouver les plus belles chandelles du monde. Prends cette badine : elle t’aidera à te diriger et t’indiquera le chemin pour les trouver... »
Lucile un peu boudeuse prit la badine qui se mit à osciller doucement dans sa main :
« Merci tante Lucia, mais je préférerais que tu m’achètes les mêmes bougies ! Et puis, et puis... »
Samedi 3 décembre 2022
- « Et puis, et puis, quoi encore ? Tu es bien capricieuse ma petite Lucile! Ces si belles bougies ne peuvent être achetées. Il faut les trouver ! Fais confiance à la badine, elle te conduira là où il le faudra pour réaliser ton vœu et tu auras un bouquet de bougies à nul autre pareil et... pour toi seule ! »
- « Mais, mais ma tante je n’y vois guère, mes yeux sont encore tout éblouis et je vais me perdre. Et puis, et puis... »
- « Et puis, et puis... aies confiance, la badine n’a jamais perdu personne, pas même un aveugle ! Crois-moi, si tu veux vraiment les 36 plus belles bougies du monde, prend le chemin qu’elle t’indiquera et tu trouveras tout ce que tu veux !»
Lucile ne fut pas persuadée par ce beau discours mais elle surpris le regard amusé de Lucie, sa mère, qui croisait celui de Lucia avec un clin d’œil entendu :
- « Oui, ma fille, je suis d’accord avec Lucia, fais confiance à la badine, ne la quitte jamais et tu pourras prendre sans danger le chemin qui te mènera à ces 36 bougies que tu désires tant ! »
Toujours boudeuse, la petite Lucile serra sa main sur la badine qui se mit de nouveau à osciller doucement.
Dimanche 4 décembre 2022
Une fois la fête terminée, Lucile et ses parents rentrèrent chez eux. La fillette avait toujours beaucoup de mal à se remettre de son éblouissement et des grandes auréoles irisées lui voilaient la vue par instant. Elle se sentait isolée de tout et cela la rendait bien morose. Elle sentit la badine lui secouer la main comme pour la consoler.
Lucile hésitait à marcher mais la badine qu’elle tenait bien serrée l’entraîna vers le bon chemin et elle se sentit bien rassurée. Elle eut envie de lui parler : « Badine, badine connais-tu la route de la maison ? » Et la badine oscilla joyeusement. « Badine, badine, comprends-tu tout ce que je te dis ? » Nouvelle oscillation. « Badine, badine, m’aideras-tu à vite trouver mes belles bougies? » Nouvelle oscillation.
Lucia avait donc dit vrai. Cette badine était magique ! Elle la protégera mais aussi elle pourra bien l’aider à réaliser son vœu les plus cher : réunir 36 bougies bien à elle !
Et tandis qu’elle cheminait, songeuse, elle se mit à échafauder un plan malin.
Lundi 5 décembre 2022
« Ma tante Lucia m’a dit que je ne pourrais pas acheter 36 jolies chandelles . Elle exagère bien, comme tous les adultes en général. Moi , je sais où trouver d’un coup toutes mes bougies. »
Rentrée chez elle , elle rentra vite dans sa chambre et , à tâtons, chercha sa tire-lire et vida toutes ses économies dans sa poche.
Elle reprit sa badine et lui demanda de la conduire à la fabrique de chandelles qui se trouvait à l’entrée du village. La badine remua bizarrement mais s’exécuta tout de même.
« Badine, badine, emmène -moi vite. Tu vas voir comme je suis maligne et comme je vais vite acquérir mes 36 bougies ! »
Comme la badine n’avançait pas assez vite au gré de la capricieuse enfant, Lucile la souleva pour marcher plus vite . Soudain, dans l’énervement, sa vue se brouilla totalement , elle ne vit pas la bordure du trottoir à temps et chuta brutalement. « Mais, mais… ragea-t-elle, comment vais-je me relever ? Badine, badine, aide-moi ! »
La badine, tombée un peu plus loin se mit à rouler vers elle et se glissa dans sa main pour l’aider à se relever.
Une fois relevée, Lucile retrouva son impatience : « Badine, badine, conduis-moi vite vers la fabrique ! » Elle sentit alors la badine lui donner deux petits coups désapprobateurs avant de redémarrer.
Mardi 6 décembre 2022
Notre héroïne arriva toute essoufflée et échevelée à la porte de la fabrique de chandelles, grande spécialité de la contrée ensoleillée du Pays de N’importe où. Son cœur battait très fort à l’idée qu’elle allait pouvoir réaliser son vœu le plus cher tout de suite. C’est Lucia qui serait bien étonnée !
La badine en revanche se laissait traîner plus qu’elle n’accompagnait sa protégée.
Elle frappa à la porte de l’accueil où une charmante hôtesse l’accueillit avec un petit sourire.
- « Que viens-tu faire ici Lucile ? As-tu décidé d’ouvrir une boutique de chandelles ? »
- « Non, non ! Je veux juste acheter 36 bougies, les plus belles que vous ayez ! »
- « Mais pourquoi viens-tu ici ? Nous ne vendons pas de chandelles aux particuliers ! »
- « Mais, mais, c’est très important pour moi et j’ai de quoi les payer ! » ajouta Lucile en tendant ses économies
L’hôtesse éclata de rire :
- « Tu es trop mignonne ! Mais nous vendons les chandelles par paquets de 100 aux acheteurs professionnels et tes belles économies ne te permettraient pas d’en acheter autant ! Et puis, nos chandelles ne sont pas originales comme tu le souhaites ! Vas donc dans la boutique de décoration tenue par Aurore : tu pourras sans doute trouver ce que tu cherches... »
Lucile, extrêmement déçue, remercia l’hôtesse du bout des lèvres avec sa plus belle moue boudeuse.
Mercredi 7 décembre 2022
Elle rebroussa chemin , tête basse. Elle irait donc dans la boutique de la belle Aurore. Sans doute les bougie y seraient très chères... La badine lui donna deux petits coup sur les mollets comme un encouragement et la tira vers … la direction opposée de la boutique de décoration !
Lucile grogna : « Arrête, badine, tu vas me faire trébucher à te diriger ainsi n’importe où ! » Et elle remit la badine dans la direction qu’elle avait choisie.
Chemin faisant la fillette réfléchissait « Si les bougies d’Aurore sont trop chères, j’en prendrai moins . Dommage ! Mais si elles sont très belles j’aurai quand même bien du plaisir à les contempler… lorsque j’y verrai mieux ! Combien peuvent-elles coûter ? Oh ! Oh ! J’essaierai de séduire Aurore qui, après tout, est une amie de ma tante Lucia...»
Elle continua à trottiner se parlant à elle-même et remettant sans cesse en place la badine qui de toute évidence rechignait à prendre ce chemin et finit par se laisser traîner lamentablement.
Jeudi 8 décembre 2022
Après un long chemin, Lucile finit par arriver devant le magasin convoité. Toujours éblouie, elle eut du mal à pousser la porte qui fit résonner son joyeux carillon.
Aurore accueillit la nièce de son amie avec bienveillance :
« Lucile ! Quel plaisir de te voir ! Mais tu as l’air bien fatiguée ! Assieds-toi vite ! »
Elle installa la fillette sur un gros pouf en soie toute douce et partit dans l’arrière boutique. Elle revint avec un plateau couvert de gâteaux et de sirops de toutes les couleurs que Lucile eut bien du mal à reconnaître dans son brouillard visuel. Heureusement son nez ne l’avait pas abandonnée et elle frémit de plaisir en sentant tous ces merveilleux parfums.
Constatant le comportement bizarre de l’enfant, Aurore s’inquiéta :
« Pourquoi clignes-tu des yeux ainsi ? Tu n’as pas l’air dans ton assiette ? Raconte-moi ce qui t’arrive ! »
Lucile raconta l’anniversaire de sa tante, les 36 chandelles merveilleuses, son éblouissement et, son envie impérieuse d’avoir pour elle d’aussi belles bougies.
Aurore resta songeuse : « Et tu espères que je te fournisse d’aussi merveilleuses lumières ? Hélas, ma pauvre Lucile, je n’ai plus de belles bougies. Je les ai toutes vendues pour le mariage de la fille du maire. J’attends une nouvelle livraison qui arrivera dans plusieurs semaines : reviens plus tard... »
Lucile s’impatienta : « Mais, mais, c’est maintenant que je les veux ! »
Elle se leva , faisant tomber la badine qui était sur ses genoux et prit aussitôt congé de son hôtesse avec un sourire forcé … vite remplacé par sa moue boudeuse !
Vendredi 9 décembre 2022
Sortie sur le trottoir, Lucile se rendit compte qu’elle avait oublié la badine. Que faire ?
« Pas question de rentrer à nouveau chez Aurore ! J’aurais l’air ridicule ! Et puis, et puis, cette badine n’en fait qu’à sa tête ! Soit elle me tapote les mollets, soit elle se dirige à l’opposé de la direction que je veux prendre, soit elle se laisse traîner, inerte ! Elle m’agace! Elle est bien là où elle est ! Je l’abandonne et voilà ! » Et elle prit le chemin du retour.
Mais à peine avait-elle fait trois pas qu’elle heurta un banc, trébucha, pivota sur elle même et … se retrouva assise sur le siège. Toujours isolée dans son brouillard visuel et maintenant toute abasourdie par l’émotion, Lucile ne savait plus que faire.
Elle entendit une voix tout près d’elle qui s’inquiétait : « Petite ! Tu ne t’es pas fait mal au moins? »
Lucile tressauta . Non seulement elle n’avait pas distingué le banc sur son trajet, mais elle n’avait pas vu non plus le vieillard qui réchauffait ses vieux os à la manière des habitants de la contrée ensoleillée du Pays de N’importe où !
Samedi 10 décembre 2022
- « Que fais-tu donc seule par ici ? Tu n’as pas l’air très heureuse ? »
- « Mais, mais… il est vrai que je suis très déçue ... » Et Lucile raconta l’anniversaire de sa tante, les 36 chandelles merveilleuses, son éblouissement et, son envie impérieuse d’avoir pour elle d’aussi belles bougies et l’oubli de sa badine.
- « Il faut te faire une raison, petite, ce n’est pas aujourd’hui que tu trouveras de telles bougies. Elles ne sont que le fruit de ton imagination et de ton envie. Demain, tu penseras à autre chose... »
- « Non, non, non quand je veux quelque chose, je l’obtiens toujours ! »
- « Alors, il faut chercher au bon endroit. Tu as voulu les acheter mais ta tante Lucia ne t’a-t-elle pas dit que ces si belles bougies ne peuvent être achetées mais qu’il faut les trouver ? Tu dois faire confiance à la badine qu’elle t’a donnée, elle te conduira là où il faudra pour réaliser ton vœu ! »
- « Mais, mais… j’ai abandonné ma badine chez Aurore , dans sa boutique de décoration... »
« Il faut vite la récupérer et te fier à elle! Ne bouge pas je vais aller la chercher pour toi ! »
Dimanche 11 décembre 2022
Le vieillard déplia ses jambe et se leva lentement et se dirigea vers le magasin de décoration d’un pas un peu hésitant. Comme il arrivait devant l’entrée , il se trouva nez à nez avec Aurore qui sortait en brandissant la badine de Lucile.
- « Lucile, Lucile ! Où es-tu passée ? Tu as oublié ta jolie badine ! »
- « Ne vous inquiétez pas, Madame, la fillette n’est pas loin : elle se repose sur le banc, là-bas ! Elle vient de me raconter ses déboires et je suis venu chercher sa badine pour qu’elle puisse à nouveau se diriger sans problème. Donnez-la-moi et je lui rapporterai. »
Aurore, qui s’apprêtait à fermer sa boutique pour déjeuner, confia avec soulagement la badine au vieux monsieur et le remercia chaleureusement.
Le vieillard prit la badine qui se mit à osciller doucement dans sa main et sembla l’entraîner aussitôt vers le banc où se tenait Lucile. Elle le dirigeait tranquillement et lui facilitait sa marche.
« Comme c’est agréable d’avancer avec cette badine se dit-il. Pas de doute, elle est magique !»
Lundi 12 décembre 2022
Conduit par la badine, le vieux monsieur retourna d’un pas allègre vers le banc où Lucile attendait , balançant les jambes avec impatience. Il rendit le guide magique à la fillette avec un sourire amusé : « Si je n’étais pas persuadé que cette badine est l’aide qu’il te faut pour trouver tes 36 chandelles, je la garderais volontiers car avec elle je marche sans difficulté ! Tiens prends-la vite ! »
Il mit la badine dans la main de Lucile toujours boudeuse. La badine se mit à osciller doucement dans sa paume et l’aida à se lever. La fillette soupira profondément et se dérida. « Après tout , je devrais peut-être faire confiance à cette baguette si elle est magique... ». Elle remercia le vieillard et se laissa entraîner par la badine.
La badine était douée d’une extraordinaire autonomie : elle semblait se tenir verticale sans aide et suivre un trajet connu d’elle seule. Elle savait s’arrêter avant de traverser une rue, éviter les obstacles et choisir les parcours les plus agréables pour les pieds de sa compagne.
Lucile finit par retrouver un beau sourire : « Après tout, je me sens bien en confiance avec ma petite badine ! Marcher avec elle est comme un jeu ! Voyons donc où elle veut me conduire : elle connaît sans doute le lieu secret où sont cachées les plus belles chandelles du monde ! »
Mardi 13 décembre 2022
« Badine, badine, conduis-moi vite là où je pourrai trouver mes 36 chandelles ! » Désormais confiante en sa compagne, Lucile se laissa diriger, oubliant sa mauvaise vue et se réjouissant de la douceur de la lumière, en bonne habitante de la contrée ensoleillée du Pays de N’importe où .
La badine la fit tourner à droite, à gauche, puis tout droit, puis à gauche, à droite et, enfin, s’arrêta devant l’entrée d’une boutique. Lucile ne pouvait pas lire l’enseigne inscrite sur la façade mais elle devina des fils entrelacés aux multiples couleurs.
« Badine, badine, où m’as-tu emmenée ? N’est-ce pas la mercerie de Claire ? Je ne trouverai pas de bougie ici !». La badine s’impatienta, frappa trois coups sec sur le sol et entraîna la fillette vers l’entrée. La porte s’ouvrit et une voix légère se fit entendre : « Lucile ! Quel plaisir de te voir ! Entre vite ! J’ai de belles choses à te montrer! »
Lucile eut sa moue boudeuse « Hélas, hélas, Claire, je ne peux les voir ! ». Et Lucile raconta l’anniversaire de sa tante, les 36 chandelles merveilleuses, son éblouissement et, son envie impérieuse d’avoir pour elle d’aussi belles bougies.
« Quel dommage ma chère enfant, je n’ai aucune bougie à te vendre… mais ... »
Mercredi 14 décembre 2022
« … je vais te faire un beau cadeau qui devrait te plaire : voici un coffret avec tous les nouveaux cordonnets que je viens de recevoir. Quand tu auras recouvré la vue tu verras à quel point leurs couleurs sont chatoyantes et tu pourras en faire d’innombrables bracelets d’amitié comme tu les aimes tant ! » . Et Claire mit dans un joli sac en tissu la boîte précieuse pour que Lucile puisse l’emporter facilement.
La fillette eut un demi-sourire pour remercier l’aimable mercière mais, très vite, son visage repris sa mine boudeuse. « Oui, oui, j’adore tresser de jolis bracelets mais, mais, pour l’instant, ce sont de jolies bougies que je recherche ! »
Elle lança le sac sur son épaule et, sortie dans la rue, elle murmura à la badine : « Badine, badine, pourquoi m’as-tu emmenée ici ? C’était inutile ! Nous avons perdu notre temps ! Emmène-moi vraiment là où se trouvent mes 36 chandelles ! »
La badine se mit à osciller doucement dans sa main et se remit en marche, entraînant l’enfant toujours éblouie. Elle la fit tourner à droite, à gauche, puis tout droit, puis à gauche, à droite et, enfin, s’arrêta devant l’entrée d’une autre boutique.
Jeudi 15 décembre 2022
Lucile se demanda où la badine avait bien pu la conduire. Elle leva les yeux et perçut une enseigne qui se balançait dans le beau ciel bleu de la contrée ensoleillée du Pays de N’importe où. Elle eut un grand sourire : dans le brouillard de sa vision elle devinait un bouquet de … chandelles ! Elle tressauta de joie : « Bravo ma badine ! Tu as trouvé le bon endroit ! Fais-moi vite entrer dans cette caverne aux trésors ! »
Mais en réalité l’enseigne représentait une palette dans laquelle était planté un bouquet de … pinceaux ! Et c’est la voix grave de Lucas, le marchand de couleurs, qui accueillit notre héroïne :
« Bienvenue Lucile ! Voilà bien longtemps que je ne t’avais vue ! Je suis heureux de voir que tu t’intéresses à nouveau à la peinture. Tu es très douée, le sais-tu ? Non ? Tu as l’air bien morose ? »
Lucile eut sa moue boudeuse « Hélas, hélas, Lucas, je ne peux plus rien voir ! ».
Et Lucile raconta l’anniversaire de sa tante, les 36 chandelles merveilleuses, son éblouissement et, son envie impérieuse d’avoir pour elle d’aussi belles bougies.
Lucas eut un sourire navré : « Ma pauvre enfant ! Comme ce doit être pénible pour toi mais cela ne durera pas toujours! Je n’ai aucune chandelle à te vendre… mais ... »
Vendredi 16 décembre 2022
« … je viens de recevoir de nouveaux pigments de toute beauté. C’est de la poudre de mica aux tons irisés extraordinaires : doré, argenté, cuivré, vert mordoré, jaune scintillant, pourpre flamboyant, rose nacré, turquoise étincelant ... » Emporté par son enthousiasme, Lucas oublia les troubles visuels de Lucile et lui fit défiler sous les yeux tous les petits flacons emplis de la précieuse poudre.
Notre héroïne ne put lire aucune des étiquettes mais réussit toutefois à deviner les couleurs évoquées. Elle ne put s’empêcher de sourire, tant elle aimait la peinture. Mais elle reprit très vite sa moue boudeuse. « Mais, mais, Lucas, tu sais bien que je ne peux pas peindre en ce moment. Et puis, et puis, ce qui m’importe aujourd’hui c’est de trouver mes 36 chandelles féeriques. »
Le marchand de couleurs se sentit penaud « Suis-je bête ! Je te fais rêver inutilement ! Mais pour me faire pardonner, je t’offre toute la collection de ces nouveaux pigments. Dès que tu auras recouvré la vue, tu pourras les utiliser et créer les plus belles œuvres de ta vie ! » Il prit le sac de Lucile et y glissa délicatement tous les précieux petits flacons.
Lucile lança le sac sur son épaule et, sortie dans la rue, elle grommela : « Badine, badine, pourquoi m’as-tu emmenée ici ? C’était inutile ! Nous avons perdu notre temps ! Emmène-moi vraiment là où se trouvent mes 36 chandelles ! »
La badine se mit à osciller doucement dans sa main et se remit en marche, entraînant l’enfant toujours éblouie. Elle la fit tourner à droite, à gauche, puis tout droit, puis à gauche, à droite et, enfin, s’arrêta devant l’entrée d’une autre boutique.
Samedi 17 décembre 2022
Légèrement sceptique, Lucile se demandait bien où la badine l’avait à nouveau emmenée avec tant d’assurance lorsqu’elle sentit un parfum indéfinissable et délicieux venant de la porte. « La parfumerie de Chiara ! » Chiara était une grande amie de Lucie, sa maman, et elle adorait accompagner sa mère chez elle tant les parfums la faisait rêver jusqu’à l’étourdir.
« Quelle bonne idée, badine ! Chiara a sans doute des bougies parfumées… mais je crains qu’elles soient bien plus grosses que celles dont je rêve… Entrons vite . J’aurai au moins le plaisir de me faire parfumer par Chiara ! »
En voyant Lucile entrer dans sa boutique, nez en l’air, la parfumeuse s’amusa : « Coucou Lucile ! Tu es venue seule aujourd’hui? Comment va Lucie ? Est-ce ton nez qui te conduit maintenant ? » Et elle l’embrassa joyeusement.
Mais Lucile se rembrunit et Chiara s’en inquiéta. « T’ai-je vexée, ma toute douce ? Pourquoi sembles-tu si triste tout à coup ? »
Et Lucile raconta l’anniversaire de sa tante, les 36 chandelles merveilleuses, son éblouissement et, son envie impérieuse d’avoir pour elle d’aussi belles bougies.
« Ma pauvre chérie ! Je n’ai aucune bougies ici ! Je ne vends que des parfums, de toutes sortes et de toutes espèces mais uniquement des parfums... »
Navrée de voir la si grande tristesse de Lucile, Chiara eut une idée.
Dimanche 18 décembre 2022
« Tu vois mal, Lucile, mais tu sens très bien. Voici quelques nouvelles essences très précieuses, que je n’ai jamais fait encore sentir à personne. Je t’offre toutes celles que tu pourras reconnaître ! »
Et commença un petit jeu de devinette olfactive qui rendit le sourire à notre héroïne.
Au fur et à mesure qu’elle humait les senteurs, elle pouvait leur donner une couleur et une sensation : « œillet de velours grenat, jasmin de nacre blanche, violette de soie mauve, mimosas de poudre dorée ... »
Chiara resta fascinée par la beauté de ces descriptions qu’elle nota aussitôt. »Lucile ! Tu es aussi poète ! Si tu en es d’accord, je vais utiliser tes descriptions pour présenter ces essences à mes clientes ! »
Et, comme convenu, elle offrit à l’enfant tous les petits flacons correspondants dans une jolie boîte de carton à fenêtre transparente qu’elle glissa dans son sac.
Lucile embrassa Chiara avant de repartir avec sa petite moue boudeuse.
Elle lança le sac sur son épaule et, à peine sortie dans la rue, elle s’emporta : « Badine, badine, pourquoi m’as-tu emmenée ici ? C’était inutile ! Nous avons perdu notre temps ! Emmène-moi vraiment là où se trouvent mes 36 chandelles ! »
A nouveau, la badine se mit à osciller doucement dans sa main et se remit en marche, entraînant l’enfant . Elle la fit tourner à droite, à gauche, puis tout droit, puis à gauche, à droite et, enfin, s’arrêta devant l’entrée d’une autre boutique.
Lundi 19 décembre 2022
Après avoir atterri chez Aurore, la marchande de jolies bougies, Claire, la mercière, Lucas, le marchand de couleurs et Chiara, la parfumeuse, Lucile était franchement dubitative : « Badine, badine, j’espère que cette boutique est enfin la bonne ! Je suis maintenant bien lasse de ne rien trouver ! » La badine tressauta légèrement tapant un peu la porte pour l’inciter à entrer.
Lucile ne comprit pas tout de suite où elle était. Elle percevait des lueurs aussi douces que celles de la contrée ensoleillée du Pays de N’importe où et comme un parfum sucré .
C’est en entendant la voix chantante de Hélios qu’elle comprit . La badine l’avait emmenée chez le confiseur!
« Salut, ma petite Lucile ! Qu’est-ce qui t’amène ici ? Tu sembles bien fatiguée ?»
La fillette haussa les épaules et prie sa moue boudeuse. Elle raconta l’anniversaire de sa tante, les 36 chandelles merveilleuses, son éblouissement et, son envie impérieuse d’avoir pour elle d’aussi belles bougies. « Mais ce n’est pas toi, cher Hélios qui auras des chandelles à me vendre ! »
« Hélas non, ma toute douce ! Je n’en ai même pas en pâte d’amande ! Mais tu as l’air si triste et si déprimée que je ne peux te laisser repartir ainsi… »
Mardi 20 décembre 2022
Hélios partit dans l’arrière-boutique et revint triomphant avec un énorme paquet entouré de papier paraffiné aux couleurs de sa boutique.
Lucile, qui s’attendait à recevoir un petit sachet de bonbons comme lorsqu’elle accompagnait sa mère s’étonna de distinguer la forme du paquet sans distinguer pour autant les inscriptions sur le papier.
« Au moins j’aurais déjà réussi à te surprendre et à te dérider, ma jolie curieuse. Sais-tu ce que je tiens entre mes mains ? »
Lucile se tortilla sur sa chaise et avança la main pour tâter le paquet « Mais, mais, je ne connais pas ce genre d’emballage ! Ce n’est pas un sachet de bonbons ? »
« Non, non, ce ne sont pas du tout des bonbons ! »
« Ça se mange ? »
« Oui ! »
« Et c’est aussi délicieux que des bonbons ? »
« Encore plus ! Et c’est même très bon pour la santé ! »
Lucile, très excitée et impatiente, se trémoussa : « Mais, mais, Hélios, est-ce que j’en ai déjà mangé ? »
Le confiseur se mit à rire :« Certainement pas , c’est rare et c’est la première fois que j’en ai ici ! »
« Oh, je t’en supplie ! Je voudrais goûter tout de suite cette merveille ! »
« Bien, bien, je vois que tu retrouves le sourire , je vais t’en donner un morceau ! »
Il ouvrit le paquet avec soin découpa délicatement une petite portion qu’il remit avec une serviette à Lucile.
« Met vite cette part dans ta bouche et déguste-la doucement en mâchant bien... »
Mercredi 21 décembre 2022
Lucile prit la petite bouchée, ferme et un peu poisseuse et la mit dans sa bouche. Une sensation merveilleuse apparut aussitôt. Un doux liquide sucré se répandit et parfuma son palais d’un goût qu’elle n’avait jamais connu, un peu fleuri, un peu boisé. Suivant le conseil d’Hélios, elle entreprit de mâchonner la structure qui devint un mélange pâteux libérant encore plus de jus . Lucile s’épanouit : « Hélios ! Comme cette confiserie est merveilleuse ! Je n’en ai jamais goûté d’aussi bonne ! Qu’est-ce donc ? Cela me fait penser au miel... »
« Mais c’est du miel, Lucile, du miel pur, dans son rayon d’origine, directement prélevé dans la ruche ! »
« Mais, mais alors, c’est de la cire que je mâche ? »
« Oui, et tu peux même l’avaler ! Puisque cela te plaît, je vais chercher une boîte hermétique pour que tu puisses en emmener chez toi ! »
Pendant que le confiseur partait dans l’arrière-boutique, la fillette continua à mâchonner mais se lassa vite « Moi, je préfère le miel seulement ! » et elle fit une boulette de la cire qu’elle cacha dans son sac. Elle reprit un autre morceau de rayon , le vida de son miel et cacha une deuxième boulette , puis une troisième , puis une quatrième, puis, puis, puis… elle ne savait plus trop combien de portions elle avait pris quand Hélios revint.
« Ha, ha, ha, Lucile ! Je vois que mon remède est efficace ! Tu as repris des forces! Mais tu as tout fini ? C’est bien ! Tiens garde la boîte en souvenir ! Et rentre vite chez toi : il est tard maintenant ! »
Lucile s’essuya ses doigts poisseux avec la serviette , fit un grand sourire ravi à Hélios et le remercia copieusement.
Elle jeta son sac bien rempli sur l’épaule, attrapa la badine et sortit.
Jeudi 22 décembre 2022
Mais le sac, maintenant bien rempli, pesait de plus en plus lourd sur l’épaule de Lucile et elle fulmina : « Badine, badine, j’en ai assez ! Je n’ai plus la force de porter ce sac et mes jambes me font mal ! Ramène-moi vite à la maison ! »
La badine oscilla un peu, comme si elle ressentait la lassitude de l’enfant, se redressa sous sa main pour la soutenir et se mit en route.
Le chemin du retour parut très long à Lucile dont la moue boudeuse se transformait en grimace.
Arrivée à la maison, Lucie, sa maman, l’attendait : « Eh bien ma fille ! Tu viens de faire une bien grande promenade avec ta badine ! Es-tu satisfaite ? Ton sac est bien plein ! Apparemment, tu as du faire une pause gourmande : vas vite de laver ton visage tout barbouillé ! »
Lucile se renfrogna et courut dans sa chambre où elle jeta son sac au sol « Je te déteste, tu ne contiens rien de ce que je voulais ! Aucune de mes 36 chandelles ! Et toi, badine : bravo ! Tu n’as pas su trouver le bon endroit où les trouver ! Tu n’as rien de magique ! »
Elle claqua la porte et alla se passer de l’eau sur le visage. L’eau froide sur ses yeux lui donna un petit frisson. Elle s’essuya et eut une sensation très bizarre. La lumière de la belle contrée ensoleillée du Pays de N’importe Où semblait irradier la salle de bains . Les serviettes de toilettes paraissaient toutes duveteuses avec leurs tendres couleurs. Le savon rose se reflétait délicatement dans sa coupelle de nacre aux mille nuances. Les flacons de parfum de sa mère rayonnaient soudain de façon étrange, tels de précieux bijoux.
Vendredi 23 décembre 2022
Lucile mit du temps à comprendre : elle avait retrouvé la vue ! Elle courut vers sa mère : « Maman, maman, je vois à nouveau ! » Lucie la prit dans ses bras et elles se mirent à danser de joie.
« Ma fille chérie, comme je suis heureuse ! Sais-tu quel jour nous sommes ? La veille de Noël ! N’est-ce pas un merveilleux cadeau ? »
« Mais, mais… j’aurais tant préféré découvrir 36 merveilleuses chandelles! »
« Tu finiras par les trouver! En attendant, profites du plaisir de voir à nouveau ! Reprends tes passe-temps habituels : avec tous les cadeaux que tu as reçus pendant ta promenade, tu as de quoi faire ! »
Lucile reprit sa moue boudeuse et alla chercher son sac qu’elle vida par terre.
La rage la saisit.
Elle coupa quelques bouts des cordonnets de Claire aux couleurs chatoyantes « J’en ferai plus tard de beaux bracelets d’amitié mais... cela ne remplace pas mes 36 chandelles ! »
Certains flacons de pigments de Lucas s’étaient ouverts, répandant leurs précieuses paillettes . « Pffff ! Ces couleurs sont extraordinaires mais… cela ne remplace pas mes 36 chandelles ! »
Les petites fioles de Chiara s’étaient aussi mises à fuir ! « Pffff ! Tout c’est mélangé ! C’est encore plus sublime que les essences simples, mais… cela ne remplace pas mes 36 chandelles ! »
Elle retrouva les boulettes mâchonnées de cire « Pffff ! le miel de Hélios était bon ! mais... cela ne remplace pas mes 36 chandelles ! ».
Et d’un grand geste Lucile fit tout glisser dans son sac qu’elle jeta loin d’elle.
Elle voulut ranger la badine mais… elle ne la retrouva pas !
à suivre …